Avant de vous lancer dans une procédure de contestation d'un permis de construire, encore faut-il préalablement s'assurer que vous avez un intérêt à agir.
Comme dans toute procédure judiciaire, le requérant doit justifier qu'il a un intérêt au procès.
Cette règle est d'autant plus vraie en matière d'urbanisme et les conditions de l'intérêt à agir devant les juridictions administratives ont été durcies ces derniers mois par les dispositions de la loi ELAN et les jurisprudences afférentes.
En effet, l'article L600-1-2 du code de l'urbanisme dispose :
« Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation.
Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »
Ainsi, pour établir l'intérêt à agir du requérant, le juge doit ainsi vérifier les éléments avancés sont de nature à établir l'atteinte directe pour le requérant à ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. (Ce, 1ère et 6ème sous sections réunies 10 juin 2015 n°386121, JurisData n°2015-013930).
Et lorsque le requérant est voisin immédiat, le Juge doit vérifier si les éléments relatifs à la nature, à l'importance ou la localisation du projet suffisent à caractériser l'intérêt à agir.
Par ailleurs, il a été jugé que :
« Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. ».(CE, 13 avril 2016 n°389798 et CE, 20 juin 2016 n°386932)
Il sera également précisé que le Conseil d'État considère que l'auteur d'un recours contre une autorisation d'urbanisme ne peut se borner à faire état de sa qualité de voisin du projet.
Le requérant doit également « préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. »(CE, 27 mars 2017 n°399585 et CE 10 février 2016, SAS SIFER PROMOTION n°387507)
Il a ainsi été jugé que :
« Commet une erreur de droit le juge des référés qui relève, pour reconnaître l'intérêt à agir d'un voisin dont la propriété située dans un secteur demeuré à l'état naturel, est séparée de celle des bénéficiaires du permis par une parcelle longue de 67 mètres et dont la maison est distante d'environ 200 mètres de la maison d'habitation dont la construction est autorisée par ce permis, que les boisements présents sur les terrains en cause ne suffisent pas pour occulter toute vue et tout bruit entre le terrain d'assiette de la construction et la propriété du requérant et que celui-ci indique avoir acquis cette propriété en raison de l'absence de voisinage.
En se fondant sur de tels éléments, qui n'étaient pas eux seuls de nature à établir une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien par Monsieur B, le juge des référés a commis une erreur de droit ».(CE 5ème et 6ème chambres réunies, 18 mars 2019 n°422460)
Cette dernière jurisprudence qui casse une Ordonnance de référé du Tribunal Administratif de GRENOBLE est particulièrement sévère et durcit donc manifestement les conditions pour permettre au justiciable de saisir la juridiction administrative pour contester une autorisation d'urbanisme (permis de construire ou permis d'aménager).
Ainsi, le requérant doit à la fois être un voisin immédiat (parcelle voisine de celle du projet) mais doit également justifier d'une atteinte directe et spécifique à ses conditions d'occupations, d'utilisation ou de jouissance de son bien.
Et c'est sur ce dernier point qu'il convient d'être particulièrement vigilant en fonction de la situation et de la géographie des lieux.
En effet, dans la jurisprudence précitée de mars 2019, la présence de de boisements situés sur les parcelles concernées et la distance toute relative entre les constructions suffisent à écarter la recevabilité du recours alors que nous étions en présence d'un voisin immédiat au projet contesté.
Le justiciable doit donc faire preuve d'une particulière prudence avant d'engager une procédure en contestation d'une autorisation d'urbanisme.
Il sera, en outre, précisé que même le fait de parvenir à justifier de son intérêt et d'obtenir l'annulation du permis de construire pour violation des règles d'urbanisme n'ouvre pas un droit à obtenir automatiquement la démolition de l'ouvrage contesté (Cass civ 3ème 21 mars 2019 n°18-13.288)
En effet encore faut-il justifier démontrer une faute distincte de la simple violation d'une règle d'urbanisme (troubles manifestes de vue, d'ensoleillement ou autres nuisances majeures).
En conclusion, avant de vous quereller avec votre voisin et de le menacer des rigueurs du Tribunal Administratif, il est devenu de la plus élémentaire prudence de vérifier si les conditions de recevabilité de l'action envisagée sont réunies et peuvent aboutir à un résultat effectif.
Maître Marie CANTELE
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